Retrouvez l’épisode 1 de cet article relatant de la RE2020 en cliquant ici.
Quelle réponse des industries et du marché de la construction ?
La RE2020 par ses objectifs ambitieux, et notamment sur son volet carbone, a provoqué des changements dans les pratiques des industries et du marché de la construction. L’une des réponses principales pour la construction neuve a été le biosourcé et les structures légères, mais les industriels ont également développé des alternatives dites « bas-carbone » du béton.
Nous approfondirons ici la question du béton, sujet central au sein du secteur de la construction, puisqu’à l’échelle mondiale sa production représente à elle seule près de 7% des émissions de CO2 ! Par comparaison, les émissions liées au numérique représentent quant à elles de 3 à 4% du total mondial. Les émissions de CO2 liées au béton conventionnel proviennent plus spécifiquement de la production du clinker, composant principal du ciment, qui en plus de nécessiter de très hautes températures pour être produit, émet du CO2 supplémentaire par la décarbonatation du calcaire.
La stratégie des bétons « bas-carbone » consiste ainsi dans la grande majorité des cas, à remplacer ou diminuer le clinker par l’ajout d’un autre composant. Il existe de nombreux composants de remplacement, nous vous proposons dans cet article d’aborder les compostions parmi les plus développées du marché.
Le laitier haut-fourneau est un sous-produit de l’industrie sidérurgique. Le béton issu de laitier possède des propriétés proches du béton conventionnel en termes de résistance et peut s’utiliser dans des ouvrages relativement similaires. Quant à son empreinte carbone, les industriels annoncent une division par un facteur entre 2 et 5 suivant le dosage, spectaculaire ! Cependant, la raison de cette si forte réduction est principalement due au système de comptabilité de l’attribution du poids carbone des laitiers. En effet, alors que 95% des laitiers sont commercialisés, ils sont tout de même considérés comme des déchets de l’industrie et donc comme ayant une empreinte carbone nulle ou presque nulle. Ainsi, le ciment issu de laitier est une solution intéressante, mais qui est fortement dépendante de la filière de l’acier et une réflexion reste à mener sur son impact carbone réel.
Les bétons bois quant à eux utilisent des copeaux de bois, souvent issus de déchets de scieries. Dans ce genre de béton le ciment est remplacé jusqu’à 80-90% par du bois. Cette composition confère au béton des propriétés thermiques, acoustiques et hydriques accrues ainsi qu’une grande durée de vie et légèreté. Cependant, il est limité dans ses propriétés mécanique et sa reprise de charge. La réduction carbone est quant à elle impressionnante, le bois emprisonné dans le béton étant considéré comme du carbone capturé et donc soustrait du total. Ainsi, le poids carbone de ces produits est souvent nul voir légèrement négatif. Ce béton ne peut donc remplacer le béton conventionnel dans tous ses usages mais semble être un bon substitutif dans d’autres. Il faut toutefois rester vigilant à ne pas surexploiter la filière bois française, déjà très sollicitée par les constructions bois et les chaufferies, ni à importer des ressources venant de loin.
Le béton d’argile existe sous deux formes : béton d’argile calcinée et béton d’argile non calcinée. L’argile, qui peut être issue de déchets de carrières ou de chantier est soit cuite à 750°C, dite alors calcinée, soit laissée crue, non calcinée. Pour ce qui est des avantages, les bétons d’argile ont des propriétés thermiques, acoustiques et de recyclabilité intéressantes. Le béton d’argile calcinée est plus résistant que le béton d’argile crue mais les deux restent en deçà des performances que peut avoir un béton conventionnel armé. La réduction carbone est d’environ 30% pour l’argile calcinée et de 50% pour l’argile non calcinée. Comme le béton de bois, il peut trouver sa place sur chantier, et bien qu’il ne présente pas une réduction carbone aussi importante, il a l’avantage d’être une ressource disponible en gisements importants et relativement bien répartie à l’échelle mondiale.
Les certifications et labels concernant la construction neuve
Les certifications et labels durables dans le milieu du bâtiment se sont développés suite à une volonté des maîtres d’ouvrage de prendre de l’avance sur la réglementation et d’afficher l’aspect durable de leur projet.
Un label garantit un niveau de qualité sur un aspect spécifique du bâtiment tandis qu’une certification s’intéresse au bâtiment dans son ensemble. Il existe de nombreux labels environnementaux (BBCA, Bâtiment Bio sourcé, Bâtiment Géo sourcé, Maison Passive…) et de certifications durables (BREEAM, LEED, HQE, BDF…) comportant bien entendu un volet énergétique et environnemental.
Se pose alors la question de savoir si une construction labellisée et/ou certifiée est vraiment durable, et plus particulièrement si elle peut être considéré comme « bas-carbone ». En ce sens, intéressons-nous ici à la certification HQE BD 2022 ainsi qu’au label BBCA.
La certification française HQE est très reconnue et utilisée en France. Elle se compose de 12 objectifs répartis en quatre chapitres. L’un de ces chapitres est « Respect de l’Environnement », comportant trois objectifs parmi lesquels se retrouvent « limitation des pollutions et lutte contre le changement climatique », qui fait intervenir le calcul d’ACV. Les objectifs concernant les résultats de l’ACV vont du seuil réglementaire à des seuils ambitieux équivalents à ceux de la RE2020 en 2028. Toutefois, à l’échelle de la certification, le poids de ce critère pèse peu. Ainsi, être certifié HQE ne signifie pas forcément que les émissions carbone du projet seront inférieures à celles qui sont d’ores et déjà imposées par la RE2020.
Le label français BBCA, quant à lui, est spécialisé justement sur le volet carbone des phases de conception, construction, exploitation et démolition. Le poids carbone de la construction d’un projet aura donc un très fort impact sur l’atteinte label.
Bien qu’une certification puisse attester de la durabilité globale d’un projet, on ne peut donc pas avoir de garantie sur le volet carbone. Ainsi, les labels peuvent être un bon moyen de compléter la certification en ciblant le sujet spécifiquement.
Lors de la construction d’un bâtiment neuf, l’aspect carbone ne peut plus être ignoré. La RE2020 a réalisé un grand pas vers le décarbonation du bâtiment neuf, en introduisant pour la première fois dans la règlementation la nécessité de faire une analyse de cycle de vie, associée à des objectifs évolutifs au cours du temps. Les industriels y ont répondu, en proposant des solutions comme le béton bas-carbone. Ces derniers ne constituent pas des remplaçants pour 100% des usages du béton conventionnel, mais ils sont à faire valoir dans la réflexion du bâtiment bas-carbone de demain, qui sera probablement multi-matériaux en intégrant bâtiment bas-carbone et matériaux biosourcés. Enfin, la réduction carbone est aussi portée par les maîtres d’ouvrage qui poussent l’exemplarité de leurs projets en s’appuyant sur des labels et certifications. Ces derniers sont toutefois à prendre avec du recul, suivant leur cahier des charges et l’organisme certifiant.
L’équipe tbmaestro accompagne les collectivités et gestionnaires de patrimoine dans l’identification des besoins en travaux des bâtiments et des éventuelles problématiques fonctionnelles. L’objectif est d’établir, à l’échelle du territoire, une stratégie patrimoniale afin de prolonger la durée de vie des bâtiments et de proposer des projets de requalification adaptés. Cette stratégie peut notamment s’intégrer dans le cadre de la réalisation d’un schéma directeur immobilier et énergétique (SDIE) et s’inscrire dans une démarche de maîtrise de son patrimoine sur le long terme.
Mots-clés : Décarbonation, industriels, marché, label, bas-carbone, bâtiment.
Date de l’article : 18/06/2024
Rédacteurs : Vincent Daguene et Gwenaelle Bastin, avec la participation de Marianne Ehrhardt.
Sources :
https://www.ecologie.gouv.fr/reglementation-environnementale-re2020
https://www.ffbatiment.fr/actualites-batiment/actualite/re2020-parution-decret-tertiaire
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045288020
https://www.francebleu.fr/emissions/planete-bleu-le-blog-evan-adelinet/du-co2-dans-le-beton
https://elioth.com/le-vrai-du-faux-beton-bas-carbone/
https://ccbgreentech.com/65-les-questions-frequentes-sur-le-beton-de-bois-ccb-greentech.htm
https://www.bouygues-construction.com/blog/fr/beton-bas-carbone/
https://www.toutsurlebeton.fr/le-ba-ba-du-beton/classes-de-resistance-du-beton/
https://www.usinenouvelle.com/article/materrup-cimente-a-l-argile-crue.N1789297
https://www.envirobatgrandest.fr/wp-content/uploads/FicheBetonBois_Agresta.pdf
https://www.espazium.ch/fr/actualites/ciment-special-cem-iiib-retablir-la-verite-sur-ses-usages-0
https://topophile.net/savoir/beton-de-site-ou-terre-coulee/
https://infos.ademe.fr/magazine-septembre-2022/terrain/du-ciment-bas-carbone-a-base-dargile-crue
https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/8-3-Empreinte-carbone.pdf