L’empreinte carbone de la chaîne de valeur du bâtiment représente 25% de l’empreinte carbone annuelle de la France. Au sein de cette chaîne de valeur, 27% des émissions sont dues à la construction neuve et 6,6% à la réhabilitation.
La Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) est la feuille de route de la France pour lutter contre le changement climatique. Elle a placé le bâtiment comme un secteur en première ligne des objectifs de neutralité carbone. La stratégie fixe comme priorité la massification de la rénovation énergétique du parc français et l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments. La densification et surélévation sont à privilégier au maximum par rapport à la construction neuve et dans le cas de déconstruction, il est de plus en plus encouragé de se tourner vers la filière du réemploi. De plus, la durée de vie des bâtiments doit être prolongée lorsque c’est possible.
Cependant, bien qu’ils soient à garder en dernier recours, il reste encore en France des projets de construction neuve. Est-il possible de fortement décarboner ces constructions, et qu’est ce qui a été développé en ce sens ? La RE2020 apporte une première réponse sur le volet réglementaire, le marché en apporte une autre en termes d’innovation industrielle, et enfin les labels et certifications durables proposent de promouvoir des projets exemplaires. Nous allons voir l’ensemble de ces réponses et comprendre ce qu’elles apportent réellement au bas-carbone.
La construction neuve décarbonée via la RE2020 ?
La RE 2020, succédant à la RT 2012 en collaboration avec l’expérimentation E+C-, s’inscrit dans une trajectoire visant à réduire la consommation d’énergie non renouvelable et les émissions de gaz à effet de serre. Elle élargit son champ d’action pour inclure des aspects énergétiques et environnementaux, prenant en compte l’ensemble du cycle de vie des bâtiments, de la construction à la fin de vie.
Pour ce faire, la RE2020 introduit de nouveaux indicateurs :
- L’indicateur Cep,nr, qui représente la consommation d’énergie primaire non renouvelable du bâtiment sur les mêmes usages que le Cep. Cet indicateur comptabilise donc uniquement les vecteurs énergétiques non renouvelables pour couvrir les besoins du bâtiment. L’objectif de ce nouvel indicateur est d’inciter les concepteurs à réduire l’usage des énergies non renouvelables (fossiles, électricité) et à recourir davantage à des énergies renouvelables (bois, solaire, réseau de chaleur urbain vertueux) ;
- L’indicateur DH (Degré-Heure d’inconfort), qui évalue les écarts entre la température du bâtiment et température de confort. Celle-ci est adaptée en fonction des températures des jours précédents, elle varie généralement entre 26 et 28°C. L’objectif de cet indicateur est de prendre en compte les effets du changement climatique sur les bâtiments, notamment les évolutions des températures à venir (les vagues de chaleur qui vont devenir plus fréquentes, intenses et longues).
La RE2020 décompose le bâtiment en en cinq catégories qu’elle identifie comme des « contributions » aux impacts environnementaux :
- La contribution relative aux « Composants » : Comprend les produits de construction et équipements (de chauffage, de climatisation, de ventilation…) du bâtiment, y compris les réseaux et espaces de parkings du bâtiment. Cette contribution est évaluée sur l’ensemble du cycle de vie du composant de l’extraction à la dépose/destruction.
- La contribution relative au « Chantier » : Comprend les consommations d’énergie du site de construction, l’évacuation et le traitement des déchets de terrassement et les composants utilisés pour réaliser des ouvrages temporaires nécessaires au chantier.
- La contribution relative à « l’Énergie » : Comprend les consommations d’énergie du bâtiment en fonctionnement (éclairage, chauffage, climatisation, etc.) associé à la teneur carbone de chacune de ces sources d’énergies.
- La contribution relative à « l’Eau » : Comprend les consommations et rejets d’eau de la phase d’exploitation du bâtiment, c’est-à-dire les usages de l’eau à l’échelle du bâtiment et la gestion des eaux pluviales captées par le bâtiment ainsi que leur assainissement. Cet indicateur doit obligatoirement être renseigné, mais n’a pas d’incidence sur les indicateurs réglementaires, il est calculé à titre d’information.
- La contribution relative à la « Parcelle » : Comprend les aménagements et l’usage de la parcelle : l’ensemble des composants nécessaires aux ouvrages présents sur la parcelle hors bâtiment, réseaux, systèmes de production d’énergie et parkings. Cet indicateur doit obligatoirement être renseigné mais n’a pas d’incidence sur les indicateurs réglementaires, il est calculé à titre d’information.
Dans les contributions ne sont pas pris en compte les éléments suivants :
- Les impacts environnementaux des équipements mobiliers et électrodomestiques.
- L’impact de l’évacuation des déchets domestiques liés à l’activité des usagers.
- L’impact des déplacements externes au bâtiment liés à l’activité des usagers.
- L’impact des éléments du chantier de déconstruction.
Ainsi des objectifs de réduction progressive de l’impact sur le changement climatique (en kgCO2éq/m²) sont portés sur les indicateurs suivants :
- Icconstruction qui représente l’impact des contributions « Composants » et « Chantier » sur le cycle de vie du bâtiment, soit 100 ans (Icconstruction = IcComposant + Icchantier ). (Exemple de l’objectif d’un bureau : 2024-2027 : 810 kgCO2éq/m² pour atteindre en 2031 : 600 gCO2éq/m²)
- Icénergie quireprésente l’impact de la contribution « Énergie » évalué sur 50 ans.
Sur cet indicateur la valeur d’émission de gaz à effet de serre à atteindre diminue progressivement de 2022 à 2025 et conditionne ainsi l’installation d’un mode de production calorifique peu carboné (bois, solaire, électrique, RCU vertueux). Toutefois, pour les bâtiments reliés à des installations de réseau de chaleur urbain (RCU), l’évolution de cet indicateur s’échelonne jusqu’à 2028 : l’objectif est d’implémenter au fur et à mesure des années des sources bas carbones pour réduire sa teneur carbone à l’échelle du réseau. (Exemple de l’objectif d’un établissement d’enseignement primaire ou secondaire alimenté par un RCU : 2022-2024 : 240 kgCO2éq/m² pour atteindre à partir de 2028 : 140 gCO2éq/m²)
La performance environnementale a été l’évolution réglementaire majeure de la RE 2020 (expérimentation et calibrage issu de l’expérimentation du label E+C-). Elle introduit pour la première fois de l’analyse du cycle de vie (ACV) dynamique. Celle-ci permet notamment d’objectiver réglementairement les impacts du bâtiment sur le changement climatique (en kgCO2éq/m²), calculés en fonction de l’apparition de l’impact dans le cycle de vie du bâtiment. En effet, l’ACV dynamique relève de la temporalité des émissions et des effets du stockage de carbone. L’approche dynamique, considère le moment de l’émission : plus une émission a lieu tôt plus elle a un impact fort. Ainsi ce type de calcul d’AVC favorise les matériaux stockant du carbone tel que le biosourcé.
Rendez-vous le 18/06/2024 pour un second épisode dédié à l’exploration des marchés, des certifications, et des labels.
Mots clefs : Décarbonation, RE2020, impact climatique, cycle de vie, bâtiment, bas carbone
Date de l’article : 04/06/2024
Rédacteurs : Vincent Daguené et Gwenaëlle Bastin, avec la participation de Marianne Ehrhardt.
Sources :
https://www.ecologie.gouv.fr/reglementation-environnementale-re2020
https://www.ffbatiment.fr/actualites-batiment/actualite/re2020-parution-decret-tertiaire
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045288020
https://www.francebleu.fr/emissions/planete-bleu-le-blog-evan-adelinet/du-co2-dans-le-beton
https://elioth.com/le-vrai-du-faux-beton-bas-carbone/
https://ccbgreentech.com/65-les-questions-frequentes-sur-le-beton-de-bois-ccb-greentech.htm
https://www.bouygues-construction.com/blog/fr/beton-bas-carbone/