Selon la Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (DREES), en 2018 près de 6% de la population française vivait dans une zone sous-dotée en médecins généralistes. Si ce chiffre reste faible, il est en nette augmentation depuis près de 10 ans. Les territoires les plus touchés, souvent appelés dans les médias « déserts médicaux », sont un des enjeux de la stratégie Ma Santé 2022. Nous nous proposons d’analyser comment cette nouvelle démarche lancée par le gouvernement abordera la problématique d’aménagement que représentent les déserts médicaux.
Caractérisation des déserts médicaux
Si le terme « désert médical », métaphore issue du langage médiatique, rend compte des disparités d’accessibilité aux soins médicaux, il est dans les faits difficile à définir. Les disparités territoriales s’inscrivent dans un contexte national de manque de médecins généralistes. En 2018, la DREES mesurait en moyenne 3,93 consultations par an par habitant chez un médecin généraliste à moins de 20 minutes de la commune de résidence des patients. Non seulement ce chiffre est en diminution par rapport aux années précédentes, mais les territoires les mieux dotés en offre médicale ont accès à 2 fois plus de consultations que les territoires les moins dotés (rapport qui est lui en hausse depuis 10 ans). Parmi les territoires qualifiés de déserts médicaux, on compte la Guyane française, la Martinique mais aussi certaines communes d’Ile-de-France et du Centre Val-de-Loire.
Origine des déserts médicaux
Ce phénomène est principalement dû à un déséquilibre préoccupant entre l’offre et la demande des soins médicaux. La hausse de la population n’est pas accompagnée d’une augmentation du nombre de médecins généralistes. Cela s’explique d’abord par le manque de dynamisme de la démographie médicale. En effet, le numerus clausus qui pendant 50 ans a fixé le nombre limite d’étudiants admis en 1ère et 2e année, était particulièrement faible dans les années 90. Cela conduit aujourd’hui à un manque de remplacement de médecins généralistes à la suite de départs en retraite. De plus, une tendance accentuée vers la spécialisation a aussi mené à la stagnation voire à la diminution du nombre de médecins généralistes au courant de la dernière décennie, malgré une augmentation continue du nombre total de médecins.
Les disparités entre les territoires s’expliqueraient par des critères généraux d’attractivité. En effet, d’après la DREES, les communes sous-denses en offres médicales sont en générale sous-équipées en commerces, établissements scolaires, sportifs et culturels. Elles présentent aussi une faible croissance démographique et moins de connexions ferroviaires que la moyenne nationale. Les territoires dont le taux d’équipements est proche de la moyenne, ont tendance à perdre en offre de soins sauf s’ils présentent un intérêt touristique particulier. Ainsi les déserts médicaux s’inscrivent dans une problématique globale d’aménagement des territoires.
Les solutions de la stratégie Ma Santé 2022
La stratégie Ma Santé 2022 apportera une continuité avec le plan d’accès aux soins d’octobre 2017. Cette stratégie a pour but principal d’améliorer l’offre de soins en modifiant la formation des futurs médecins et les pratiques des médecins actuels, ce qui pourrait endiguer la croissance des déserts médicaux.
Le plus gros changement de ces dernières années dans les études de médecine en France est la fin du numerus clausus votée en 2019. Depuis la rentrée 2020, chaque université doit définir le nombre d’étudiants à admettre par filière de médecine, en accord avec l’ARS, en tenant compte de sa capacité de formation et des besoins du territoire. Cette mesure pourrait à terme accroître le nombre de diplômés à l’échelle nationale mais cela n’est pas suffisant pour régler les pénuries localisées de médecins généralistes.
Dans l’étude, « Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques », publiée en décembre 2021, la DREES étudie les solutions mises en œuvre dans 5 pays européens pour pallier les déserts médicaux. Il en ressort que l’un des meilleurs moyens pour lutter contre les déserts médicaux est d’augmenter spécifiquement la part d’étudiants issus de ces territoires car les médecins ont tendance à s’installer plus tard dans les territoires dont ils sont originaires. Dans son rapport de 2010, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommandait fortement d’adopter une démarche de décentralisation des lieux de formation, couplée à des démarches proactives donnant, à performance égale, la priorité aux étudiants issus de milieux sous-doutés en offre de soins, ainsi que de multiplier les situations d’exercice en médecine rurale dans la formation de tous les médecins.
Si la stratégie Ma Santé 2022 envisage aussi d’apporter un soutien financier aux médecins et étudiants pour les inciter à s’installer dans ces déserts médicaux, ce levier d’action est souvent peu efficace. D’après l’étude de la DREES, la qualité d’aménagement et les équipements du territoire peuvent jouer un rôle plus important dans la décision d’un médecin de rester et construire sa vie dans un lieu. C’est pourquoi il est nécessaire d’agir sur les structures et les conditions de travail des médecins pour les inciter à s’installer dans les déserts médicaux.
De nouvelles structures pour de nouvelles pratiques
Ma Santé 2022 vise à améliorer l’offre de soins en encourageant de « nouvelles formes d’exercice médical » à travers la télémédecine, le renfort des médecins hospitaliers et libéraux mais aussi et surtout en réduisant l’isolement des médecins.
Davantage de temps de travail pour les médecins sera libéré en s’appuyant sur d’autres professionnels de santé tels que les infirmiers en pratiques avancées et les assistants médicaux. En vue de rendre le travail isolé d’un médecin dans un cabinet obsolète à horizon 2022, le gouvernement généralisera les Communautés Professionnelles et Territoriales de Santé (CPTS) qui permettent aux médecins d’un même territoire de travailler sur des projets de santé communs. De plus, il s’engage à doubler le nombre de structures de proximité telles que les maisons et centres de santé qui suivent déjà plus de 3 millions de patients et encouragent la coopération entre professionnels de santé.
L’accessibilité aux soins doit ainsi faire l’objet d’une stratégie globale d’aménagement tenant compte des besoins et aspirations des médecins, exerçant et futurs, et de leurs patients. Les leviers d’action en France s’orientent principalement sur l’incitation à l’installation à travers une amélioration des conditions de vie et de travail des médecins. La stratégie Ma Santé 2022 permettra de lutter contre les déserts médicaux notamment grâce à la promotion de structures d’exercice collectif. La promotion de ces structures doit s’accompagner de politiques de redynamisation globales des déserts médicaux pour les rendre plus attractifs. Afin de conjuguer les contraintes multiples que soulèvent cette problématique, tbmaestro saura accompagner les collectivités dans le maintien et l’optimisation de leurs équipements publics, leurs centres de santé, leurs actifs hospitaliers, à travers un schéma directeur immobilier comme nous avons pu le réaliser ces dernières années notamment pour les Groupements Hospitaliers de Territoire d’Eure-et-Loir.
Mots-clés : Ma Santé 2022, DREES, déserts médicaux
Date de l’article : 22/12/2021
Rédacteur : Elisa SOH GUIADEM
Sources :
https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/er1144.pdf
https://www.gouvernement.fr/ma-sante-2022-une-strategie-contre-les-deserts-medicaux