Le réemploi des matériaux : une alternative intéressante pour l’économie de la construction

23 Nov, 2022

Lorsque l’on évoque la problématique des déchets, bien souvent des images de bouteilles ou encore de sacs plastiques jonchant nos écosystèmes nous parviennent à l’esprit. En effet, au regard de leur longévité croisée à une production qui n’a cessé de croître de façon exponentielle depuis la seconde partie du 20ème siècle, la pollution plastique est devenue de plus en plus visible. Sur nos plages, nos routes, nos mers, nos océans… cette pollution est aujourd’hui partout. Cette matière est ainsi devenue aujourd’hui un emblème brandi dans les luttes écologiques dénonçant de manière générale le consumérisme et appelant à des économies davantage circulaires et respectueuses de l’environnement.  

Le réemploi des matériaux dans le secteur de la construction : contexte et enjeux

Moins visible que le plastique, les matériaux utilisés dans le secteur du BTP représentent pourtant une part majeure des déchets produits dans le monde. A titre d’exemple, en France, ils représentent près de 75% des déchets d’après les chiffres du Ministère de la Transition énergétique.

Or, a l’heure actuelle, seulement 1% des matériaux de construction sont réutilisés après un premier usage d’après un rapport de l’ADEME de 2022.

Ce (très) faible pourcentage est à mettre en regard avec trois faits :

  • La part importante que représente l’extraction et la production des matériaux de construction dans les émissions carbones mondiales. A titre d’exemple, la seule production de ciment génère 7 % des émissions mondiales selon l’Association mondiale du ciment et du béton (GCCA), soit trois fois plus que le transport aérien.
  • Un contexte géopolitique où l’approvisionnement des ressources peut s’avérer fragile et fluctuant.
  • Enfin, le fait qu’une grande partie des éléments utilisés dans le BTP soient techniquement sujets au réemploi !

Ainsi, malgré les avantages environnementaux et socio-économiques avérés que peut apporter le réemploi, cette filière peine à se faire une place dans le monde du BTP.

Source :  https://www.bellastock.com/projets/fcrbe/

Le projet FCRBE

C’est dans cette optique que le projet européen Facilitating the Circulation of Reclaimed Building Elements (FCRBE) visant à augmenter la quantité de matériaux réemployés dans les projets de construction en Europe a été lancé en 2018.  A la suite d’une analyse des freins au développement du réemploi, deux pistes d’actions principales sont ressorties :

  • Donner plus de visibilités aux filières existantes du réemploi notamment auprès des concepteurs (architectes…) et maitres d’ouvrages publics.
  • Faciliter la mise en œuvre des pratiques de réemploi sur des chantiers à l’occasion d’opérations-tests et de production de documentations techniques.

Ce projet a ainsi grandement participé à compléter des annuaires de fournisseur en ligne, comme le site Opalis.eu qui recense aujourd’hui plus de 600 revendeurs (situés en France, Belgique et Pays-Bas).

Par ailleurs, ce projet, encore en cours, a rendu public un certain nombre de livrables visant à partager des bonnes pratiques et des références issues du terrain. Nous pouvons citer le retour d’expérience d’opérations test ayant pratiqué la réutilisation matériaux ou encore la rédaction de différents guides et de fiches de matériaux.

La prise en main des outils et livrables issus de ce projet de la part des différentes parties prenantes représente une première étape clé pour permettre une pérennisation et systématisation de ces pratiques sur le long terme. En outre, ce projet européen montre que des acteurs politiques et publics commencent à réellement prendre au sérieux les potentiels que peut offrir le réemploi pour baisser les coûts écologiques et économiques du secteur du BTP.

Et au niveau juridique ?

Cette prise en compte se traduit également juridiquement. En effet, même s’il n’y a pas encore à proprement parler d’obligation générale d’utilisation minimale de matériaux réemployés, le code de la commande publique en vigueur depuis le 1er avril 2019 autorise dans l’Article R2152-7 l’attribution d’un marché fondé sur des critères de « performances en matière de protection de l’environnement ». La réglementation permet donc aux maîtres d’ouvrage d’intégrer un (ou plusieurs) critère(s) environnemental(aux) dans les appels d’offre publics. De plus, ces derniers peuvent de plus en plus s’appuyer sur des outils d’éco-conception pour construire ces critères de performance. On peut par exemple citer l’outil SEVE, acronyme de Système d’Evaluation des Variantes Environnementales, qui permet aux bureaux d’études de comparer des variantes de projets d’aménagement urbain selon 6 critères environnementaux, dont celle de la préservation de la ressource.

A titre d’exemple, cet outil a été utilisé dans le cadre de la consultation des entreprises pour les travaux de réaménagement du lot 1 (VRD et pavage) des espaces publics du secteur 2 de la Part Dieu (quartier de Lyon) qui ont lieu actuellement.

Par ailleurs, la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi AGEC, tend à favoriser l’usage du réemploi en apportant un cadre réglementaire pour sortir les matériaux du statut de déchets. De plus, la réglementation environnementale 2020 (RE2020), s’appliquant depuis le 1er janvier 2022 et remplaçant la RT2012, pose des exigences portant sur les émissions de GES calculées sur le cycle de vie des matériaux de construction. Ces exigences se traduisent notamment via l’indicateur « IC Construction », qui calcule l’impact carbone de chaque composant du bâtiment, de la fabrication jusqu’à son traitement de fin de vie. La figure ci-dessous montre l’évolution des seuils de cet indicateur :

On remarque que d’ici 2031, le seuil baissera de près de 25% pour les maisons individuelle (MI) et d’un tiers pour les logements collectifs (LC). Pour répondre à ces nouvelles exigences de la RE2020, le réemploi représente une des solutions ! Indirectement, la RE2020 favorise ainsi le développement de cette pratique.

Cette pratique du réemploi fait écho à l’image du chiffonnier que le sociologue Baptiste Monsaingeon utilise dans son ouvrage Homo Detritus comme réponse à la crise contemporaine du déchet. Le chiffonnier était une personne dont le métier consistait à racheter des objets usagers dans le but de les revendre. Ce métier s’exerçait jusque dans les années 1960, période à partir de laquelle les normes se sont durcies avec le début d’une gestion industrielle, managériale des déchets. Cette image est utilisée par l’auteur afin de nous inviter à ne pas se restreindre à une vision du déchet comme une menace, mais bien comme un fragment signifiant du monde.

La méthodologie tbmaestro, s’inscrivant dans une démarche d’amélioration continue, tend à s’imprégner de cette vision. En effet, dans un podcast intitulé « Origine de la gestion des actifs physiques : quels défis et conséquences ? » datant du 19 octobre 2022, Jean-Pascal Foucault, enseignant-chercheur à l’UTC et fondateur-expert tbmaestro, souligne que l’activité de gestion d’actifs physiques appelle à « une approche méta-disciplinaire de l’ingénierie et de l’économie, c’est-à-dire d’envisager une transformation de l’économie par l’introduction notamment de la valeur d’usage dans les conventions comptables afin d’accompagner la trajectoire de l’économie circulaire et écologique que nous visons tous ».

C’est en ce sens que tbmaestro, à travers notamment l’élaboration de schéma directeur immobilier et énergétique (SDIE),  vise à impulser une gestion d’actifs soutenable, via un audit 360° d’un parc immobilier existant puis d’une recherche de valorisation de ce dernier sur le long terme, en étant force de propositions pour faire face aux transformations écologiques et économiques actuelles et à venir.   


Mots clefs principal : Réemploi

Mots clefs : matériaux, déchets, environnement, projet de construction, projet FCRBE, cycle de vie, économie circulaire

Date de l’article : 23/11/2022

Rédacteur : Nicolas Heudebourg

Sources 

Ouvrage :

MONSAINGEON, Baptiste. Homo Detritus. Critique de la société du déchet. Paris : Seuil, 2017

Sites :

https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/5516-reemploi-des-materiaux-de-construction.html

https://www.nweurope.eu/projects/project-search/fcrbe-facilitating-the-circulation-of-reclaimed-building-elements-in-northwestern-europe/

https://www.batiactu.com/edito/reemploi-materiaux-36-fiches-pratiques-a-destination-63633.php

https://ourworldindata.org/grapher/global-plastics-production

https://www.ecologie.gouv.fr/dechets-du-batiment-et-des-travaux-publics

https://www.lemoniteur.fr/article/reemploi-des-materiaux-de-construction-le-nouveau-cadre-reglementaire.2228357

https://cegibat.grdf.fr/reglementation-energetique/re-2020-grands-principes

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