Comment affronter la crise des matériaux et la hausse des prix en cette rentrée 2022 ?
28 Sep, 2022
Après la hausse des prix des matières premières suite à la période Covid, une seconde accélération des prix s’est opérée depuis le début de la guerre en Ukraine : matériaux, carburant, électricité, le tout couplé avec des difficultés d’approvisionnement et de main d’œuvre persistantes sur les chantiers.
« On nous avait annoncé au printemps 2021 que cette crise de la flambée des prix des matériaux et de pénuries était purement structurelle et qu’elle se réglerait à la rentrée (2022). Il n’en est rien. Pire, ça s’est aggravé » Patrick Mathieu, président de l’antenne des Vosges de la CAPEB (Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment).
Force est de constater que le secteur du bâtiment connaît actuellement de fortes tensions entre ruptures de stock, soucis d’approvisionnements, délais de livraison à rallonge et hausse vertigineuse des prix des matériaux. Une situation jugée insoluble à ce jour et dangereuse à l’avenir puisque le marché pourrait bien se fragiliser, notamment par l’annulation de nombreux chantiers. En effet, certains projets de construction voient déjà leur viabilité financière vaciller dans le contexte actuel tant les hypothèses d’entrées des opérations immobilières en question sont bouleversées.
La courbe de prix des matériaux est en effet assez éloquente : bien que certains matériaux aient connus une accalmie pendant l’été (PVC, cuivre, acier), les prix ont continué d’augmenter pendant la période estivale avec, par exemple, les plastiques alvéolaires utilisés comme isolants (+9,0%), les produits plats en acier (+4,8%), les tuiles (+3,9%) ainsi que les demi-produits en aluminium (+3,4%).
À cette hausse continue des matériaux s’ajoute, depuis juin 2022, une envolée des prix de l’énergie : +166% pour le gaz naturel et +142% pour l’électricité. Les matériaux intensifs en énergie dans leur processus de fabrication comme les aciers, le verre, l’aluminium, les tuiles, les produits céramiques, etc., connaitront mécaniquement de nouvelles hausses dans les prochains mois, voire de nouveau des pénuries car certains industriels envisagent de fermer des lignes de production.
Les professionnels du secteur sont interrogatifs par rapport à ces cycles et demandent une transparence sur les hausses de prix afin de comprendre ce qui impacte réellement les prix entre le coût de l’énergie, la décarbonation et la crise ukrainienne. En effet, on assiste à un phénomène de spéculation qui ne fait qu’alimenter l’inflation. Preuve en est de la filière bois où il est plutôt simple de s’approvisionner en bois brut mais où il est très compliqué de trouver des panneaux de bois. Malgré le décalage entre l’offre et la demande, la spéculation d’une partie des industriels du secteur semble vraisemblable.
« Les perspectives macro-économiques se dégradent clairement » admet Olivier Salleron, président de la FFB (Fédération Française du Bâtiment). « Le risque de récession pour la France et pour l’Union européenne est réel à horizon 2023. L’augmentation des coûts des matériaux et la crise énergétique pèsent sur les têtes des entreprises. » Cependant, souligne le président, « le secteur résiste toujours, les carnets de commandes restent garnis et l’année 2022 semble globalement faite. »
Si après les confinements, dans le sillage du Plan de relance de l’État, le secteur du bâtiment avait connu une forte reprise avec des carnets de commande remplis à 12 mois, aujourd’hui le secteur fait grise mine et craint pour l’année 2023. En effet, les budgets des collectivités et des particuliers ne seront pas extensibles à l’infini et certains projets commencent déjà à être remis en question faute de financements.
C’est déjà le cas dans le marché du neuf qui est en perte de vitesse. Face à la flambée des coûts et à l’impact de la réglementation environnementale RE2020, les marges s’amenuisent et certains promoteurs immobiliers décident de stopper certaines opérations pour raisons économiques.
Pour les autres acteurs, les retards s’accumulent. Avec des délais d’exécution rallongés, les entreprises perdent en productivité et les plannings sont sans cesse décalés ce qui les empêchent de s’engager sur de nouveaux chantiers. La relation de confiance entre la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre est également mise à mal à cause des difficultés à tenir les budgets et plannings prévisionnels.
Les organisations du BTP unies pour faire face à la crise
Mi-juillet à Bercy, sous l’égide de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des finances, et d’Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des PME, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, onze organisations du BTP, se sont engagées à respecter des « bonnes pratiques contractuelles et commerciales » sur plusieurs points :
Un partage d’information fiable sur les perspectives d’approvisionnement,
Un traitement équitable dans la relation client-fournisseur,
Des recommandations autour de la répercussion des augmentations de prix dans les marchés de travaux,
L’aménagement des conditions d’exécution des marchés,
La prolongation ou la suspension des délais d’exécution des marchés,
Les conditions financières des marchés et les aides à la trésorerie des entreprises de travaux,
Le recours à la médiation en cas de difficulté.
Le document signé liste les bonnes pratiques à adopter et les mauvaises à éviter. Il présente également un travail réalisé sur les index et indice de prix afin de refléter la réalité actuelle.
C’est un engagement mutuel visant à mieux gérer les conséquences de la crise et à limiter son impact pour protéger à la fois les entreprises du secteur et l’emploi.
Liste des organisations signataires : L’Association française des industries des produits de construction (AIMCC), l’Alliance des minerais, minéraux et métaux (A3M), la Confédération des Grossistes de France (CGF), la Chambre Nationale de l’Artisanat des Travaux publics et Paysagistes (CNATP), France Bois Industries Entreprises (FBIE), la Fédération Française du Bâtiment (FFB), la Fédération Nationale des Travaux Public (FNTP), la Fédération des Distributeurs de Matériaux de Construction (FDMC), la Fédération des Industries Électriques, Électroniques et de Communication (FIEEC), l’Organisation des Coopératives d’achat des artisans du bâtiment (ORCAB) et enfin, l’Union Sociale pour l’Habitat (USH).
Assises du Bâtiment et des Travaux Publics
Face aux difficultés du secteur et à la volonté de l’accompagner dans sa transition écologique, Bruno Le Maire, en continuité de la signature de la charte de bonnes pratiques, a initié les Assises du Bâtiment et des Travaux Publics (BTP) qui se sont déroulées le 22 septembre 2022 avec comme objectifs :
de répondre dans les meilleurs délais aux besoins du secteur du BTP afin de surmonter les défis liés à l’inflation,
de répondre aux attentes structurelles du secteur en matière de simplification et de transition écologique, mais aussi de formation et de numérique,
d’initier un changement de méthode de dialogue entre l’État et le secteur.
Les acteurs du secteur ont formulé leurs recommandations, qui ont ensuite été étudiées par l’État dans le cadre de groupes de travail associant l’ensemble des parties prenantes.
Voici les 13 premières mesures de soutien qui ont été présentées lors des assises :
Amélioration de la trésorerie des entreprises
1. Le relèvement des seuils planchers des avances dans tous les marchés publics, afin d’abonder la trésorerie des fournisseurs de l’État et notamment des acteurs du BTP. Ces seuils passeront de 20% à 30% pour l’ensemble des marchés publics passés avec des PME.
2. L’amélioration de l’échelonnement du remboursement de ces avances par une réécriture des textes pour modifier la situation actuelle qui conduit les donneurs d’ordre à exiger trop rapidement le remboursement intégral.
3. Un guide de bonnes pratiques en matière de pénalités de retard payées par les acteurs du BTP afin d’éviter que les situations de pénurie actuelles ne leur soient injustement reprochées.
Amélioration de la prévisibilité des prix sur les marchés publics et privés
4. Le Gouvernement a saisi le Conseil d’État, qui vient d’indiquer qu’il était possible de réviser les prix dans les marchés publics en cours, pour prendre en compte les surcoûts engendrés par les circonstances exceptionnelles.
5. Une mission va être confiée au Médiateur des entreprises pour améliorer la prévisibilité des prix des matières premières.
Simplification des marchés publics
6. La pérennisation à 100 000 € du seuil de gré à gré qui exempte les marchés publics de travaux d’appels d’offres (qui avait été élevé exceptionnellement durant la crise sanitaire).
7. L’abaissement de 6 à 4 mois du délai inscrit dans le cahier des clauses administratives générales des marchés publics, entre la notification d’un marché et l’ordre de service de démarrage effectif des travaux, afin d’éviter une inflation des coûts durant cette période.
8. Un ciblage et une meilleure articulation des contrôles sur les chantiers pour lutter contre le travail illégal.
Simplification et amélioration de la mise en œuvre des obligations règlementaires et écologiques qui pèsent sur les entreprises
9. La publicité obligatoire et rapide du montant d’éco-contributions payées pour les entreprises dans le cadre de la filière « Responsabilité élargie du producteur » (Rep).
10. La mise en place d’une période de tolérance de 4 mois pour la mise en conformité des entreprises à la Rep (sensibilisation pédagogique plutôt que sanction)
11. La prolongation de l’expérimentation chantier par chantier du label « Reconnu garant de l’environnement » (RGE) au-delà du 31 décembre 2022.
Accélération de la transition écologique du BTP
12. Le renforcement de l’offre globale de rénovation performante par un appel d’offres spécifique de 30 millions d’euros France 2030.
13. Le lancement d’une concertation sur la mise en place d’un carbone-score des matériaux, tenant compte des émissions de gaz à effet de serre liées à la fabrication du produit, mais également de ses effets plus ou moins bas carbone dans la construction.
Dans un contexte de maîtrise budgétaire et de hausse des prix des chantiers et de l’énergie, il est plus que jamais nécessaire pour les maîtres d’ouvrage ayant d’importants parcs d’actifs physiques en gestion, de se doter d’un outil d’aide à la décision pour arbitrer sur les opérations immobilières à mettre en œuvre. À la suite de l’élaboration de leur stratégie d’investissement, les maîtres d’ouvrage disposeront de toute l’information nécessaire pour l’établissement de leur plan pluriannuel d’investissement et ainsi garantir une visibilité sur les projets à venir pour l’ensemble des acteurs du secteur.
Depuis 10 ans, tbmaestro accompagne de nombreux maîtres d’ouvrages, publics ou privés dans l’élaboration de leur stratégie immobilière. En effet, une stratégie immobilière pérenne et évolutive via l’implantation et le suivi d’indicateurs de performance dans le temps permet d’investir le bon euro au bon endroit en répondant au plus juste à l’ensemble des problématiques immobilières rencontrées.
Mots clefs : Pénurie, hausse des prix, secteur bâtiment et de la construction, stratégie immobilière, crise des matériaux
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