La neutralité carbone des bâtiments publics : un objectif atteignable d’ici 2050 ?
24 Juin, 2025
« Le secteur du bâtiment représente 43 % des consommations énergétiques annuelles françaises et il génère 23 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) français. »
Face à l’urgence climatique, les acteurs de ce secteur ont un rôle important à jouer afin d’impacter positivement la transition à venir, et pour cela, nous pouvons dans un premier temps se pencher sur les réglementations et objectifs mis en place en France. La neutralité carbone à l’horizon 2050 s’inscrit dans la Stratégie nationale bas-carbone(SNBC), la feuille de route de la France pour lutter contre le changement climatique, et constitue un cap ambitieux.
Cette neutralité est-elle réellement atteignable pour le patrimoine immobilier public, souvent ancien, énergivore, et dispersé ?
Qu’est-ce que la neutralité carbone pour un bâtiment ?
Selon la définition du Parlement Européen, la neutralité carbone, c’est « l’équilibre entre les émissions de carbone et l’absorption du carbone de l’atmosphère par les puits de carbone« . Un bâtiment est dit “neutre en carbone” lorsqu’il compense l’ensemble des émissions de CO₂ générées durant son cycle de vie, de la construction à la déconstruction, en passant par l’exploitation.
Selon cette définition, cela suppose une réduction maximale des consommations d’énergie, un recours massif aux matériaux bas carbone, et éventuellement des mécanismes de compensation résiduels.
Dans le cas des bâtiments publics existants, il s’agit avant tout de réduire l’empreinte carbone opérationnelle, c’est-à-dire les émissions liées à l’usage : chauffage, ventilation, éclairage, eau chaude etc. Pour le neuf, les exigences du label RE2020 orientent déjà les projets vers des performances élevées, mais la majorité du parc à traiter reste le bâti existant.
Où en est-on aujourd’hui ?
La France compte environ 380 000 bâtiments publics, répartis entre l’État, les collectivités territoriales, les établissements de santé et d’enseignement. Une large part de ce parc date d’avant les premières réglementations thermiques.
Malgré les dispositifs engagés (Plan de rénovation énergétique des bâtiments publics, décret tertiaire, relance verte), le rythme des rénovations reste insuffisant. Moins de 1 % du parc public fait l’objet d’une rénovation énergétique lourde chaque année, bien loin des besoins pour atteindre la neutralité d’ici 2050.
Pour espérer atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, un effort massif de rénovation énergétique devra être engagé sur le parc public existant. Les estimations convergent vers un besoin de rénovation lourde d’au moins 70 % des bâtiments publics actuels d’ici cette échéance. Cela implique un rythme annuel de rénovation globale de 2,5 à 3 % du parc, à comparer au rythme actuel bien plus modeste.
Concrètement, un bâtiment public sur trois devrait être rénové dans les dix prochaines années, et les deux tiers restants entre 2035 et 2050. Atteindre cet objectif suppose une planification rigoureuse, une mobilisation financière et technique sans précédent, et un pilotage stratégique du patrimoine immobilier des collectivités via un personnel formé.
Les leviers pour atteindre la neutralité carbone
1. La rénovation énergétique performante
La rénovation énergétique constitue le levier prioritaire. Elle vise à réduire les consommations énergétiques d’un bâtiment, tout en améliorant le confort des usagers.
Isolation thermique des murs, toitures, planchers bas : ces interventions peuvent réduire jusqu’à 60 % des pertes de chaleur.
Remplacement des menuiseries vétustes par du double ou triple vitrage performant à combiner avec une ventilation de l’air performante.
Modernisation des systèmes CVC (chauffage, ventilation, climatisation) : installation de chaudières à condensation, pompes à chaleur, ventilation double flux avec récupération de chaleur.
Automatisation et régulation : thermostats intelligents, gestion technique du bâtiment (GTB), capteurs connectés.
L’objectif est de viser des rénovations “BBC compatibles” (Bâtiment Basse Consommation), avec un temps de retour sur investissement raisonnable, souvent entre 10 et 20 ans.
2. Le déploiement des énergies renouvelables
L’intégration de sources d’énergies renouvelables sur site ou via des réseaux est indispensable pour décarboner l’énergie consommée :
Photovoltaïque en toiture ou en ombrière (notamment sur les écoles, gymnases, parkings).
Chauffe-eaux solaires, en particulier pour les bâtiments avec forte demande d’ECS (internats, piscines).
Géothermie de surface ou sondes verticales, surtout intéressante pour des bâtiments neufs ou en rénovation lourde.
Raccordement à des réseaux de chaleur urbains alimentés en biomasse, en récupération de chaleur ou en géothermie profonde.
3. Des matériaux de construction plus sobres en carbone
Le choix des matériaux est crucial dans la réduction du bilan carbone global du bâtiment (analyse en cycle de vie) :
Utilisation de matériaux biosourcés (bois, chanvre, ouate de cellulose) pour l’isolation ou les structures.
Recours à des bétons bas carbone, intégrant des liants alternatifs ou du granulat recyclé.
Valorisation du réemploi des matériaux existants lors de la déconstruction : menuiseries, cloisons, revêtements.
Ces choix doivent être intégrés dès la programmation des travaux, avec l’appui d’une AMO spécialisée en construction durable.
4. Optimisation de l’usage et de l’exploitation
Avant même de rénover, il est souvent possible de réduire l’impact environnemental par une meilleure gestion du bâtiment, ce qui peut générer jusqu’à 15 à 20 % d’économies sans travaux lourds :
Regrouper des services publics dans un même bâtiment pour mutualiser les consommations.
Adapter les surfaces aux besoins réels (désaffectation de zones peu utilisées).
Intégrer des plans de maintenance énergétique pour garantir les performances dans le temps.
5. Une stratégie patrimoniale fondée sur les données
Pour cibler les actions et suivre les performances, il est indispensable de disposer d’une cartographie énergétique du parc, alimentée par :
Des audits énergétiques réguliers (selon décret tertiaire),
Un système d’information patrimonial structuré,
Des indicateurs de suivi des consommations et des émissions de CO₂.
Ce pilotage orienté données permet d’objectiver les priorités d’investissement, de simuler des scénarios de rénovation, et d’optimiser les budgets publics.
Les obstacles à surmonter
1. Le financement, principal frein à la massification
La rénovation performante coûte cher : entre 500 € et 1 000 €/m² pour une rénovation globale. Même si elle génère des économies sur le long terme, le besoin en investissement initial reste souvent dissuasif, en particulier pour les petites collectivités.
Beaucoup de maîtres d’ouvrage publics raisonnent par bâtiment ou par urgence, due notamment à la pression réglementaire induite par le décret tertiaire ou le décret BACS, sans stratégie globale :
Faible anticipation des besoins à 10 ou 20 ans.
Absence de planification pluriannuelle cohérente.
Budgets annuels cloisonnés.
Cela limite l’efficacité des investissements, et empêche de tirer parti des effets de volume dans les marchés publics.
3. Des capacités techniques parfois limitées
La mise en œuvre d’une rénovation bas carbone nécessite :
Des compétences en analyse énergétique, en programmation environnementale, en commande publique durable.
Une ingénierie projet structurée, notamment pour piloter des rénovations multi-sites.
De nombreuses communes rurales ou établissements publics ne disposent ni des ressources humaines, ni de l’expertise interne pour monter et suivre ces projets. Parmi les leviers d’action, les syndicats d’énergie territoriaux mettent à disposition des collectivités des Conseillers en Énergie Partagée (CEP). Ces experts accompagnent les communes dans la gestion énergétique de leur patrimoine, la priorisation des rénovations et la mobilisation des financements. Un appui précieux, notamment pour les petites structures disposant de moyens limités.
4. La complexité administrative et réglementaire
Les contraintes liées :
Au code de la commande publique (procédures longues, marchés fragmentés).
Aux normes patrimoniales (monuments historiques, ABF).
Aux autorisations d’urbanisme.
Elles peuvent retarder voire freiner certains projets, notamment dans les centres anciens ou pour les bâtiments classés.
5. Une mobilisation inégale des usagers
La performance réelle d’un bâtiment dépend aussi de ses occupants. Sans une sensibilisation active des agents publics et des usagers (comportement, ouverture des fenêtres, éclairage inutile…), une partie des gains peut être perdue.
Gardons tout de même en tête que, souvent, l’effet rebond de l’amélioration énergétique dans les logements permet d’amortir les coûts de rénovation grâce aux économies faites sur l’énergie à fournir pour maintenir le confort thermique grâce à l’efficacité du logement.
Une ambition réaliste pour 2050 ?
La neutralité carbone des bâtiments publics à l’horizon 2050 n’est pas un mirage, mais elle nécessite un changement d’échelle. Il faudra tripler le rythme actuel de rénovation, investir massivement dans la montée en compétence des acteurs publics, et renforcer l’ingénierie territoriale. Ces efforts s’inscrivent pleinement dans une logique d’accompagnement au changement, indispensable pour faire évoluer les pratiques, structurer les démarches locales et sécuriser les projets dans la durée.
Les consultants en gestion d’actifs de tbmaestro peuvent vous accompagner dans cette transition : diagnostiquer, planifier, prioriser et suivre les projets de rénovation, avec une approche intégrée et durable. Cela peut se matérialiser par l’élaboration d’un SDIE par exemple. Il ne s’agit pas seulement de respecter une obligation réglementaire, mais de préserver la valeur d’usage et la performance environnementale du patrimoine public pour les générations futures.
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Né de l’évolution du Building Information Modeling (BIM) au début des années 2010, le City Information Modeling (CIM) s’inscrit dans la continuité de la modélisation de l’environnement bâti, mais à une échelle plus vaste, allant du quartier à la ville entière.
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