La rénovation bas carbone : un enjeu stratégique pour les gestionnaires d’actifs
14 Oct, 2025
Le secteur de la construction, deuxième secteur le plus émetteur de CO2 en France, joue un rôle important dans l’atteinte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cependant, les réglementations actuelles s’appliquent quasiment exclusivement à la construction neuve. Pourtant, les crises de l’énergie et du logement ont mis en lumière le rôle clef qu’aura la rénovation dans les prochaines décénies. Il est alors essentiel de questionner les pratiques et les outils d’aide à la décision vis-à-vis de l’impact environnemental de la rénovation bas carbone.
En France, le secteur du bâtiment concentre une part significative de l’empreinte carbone nationale. En 2019, il représentait 25 % des émissions annuelles, soit environ 153 MtCO₂eq. Deux tiers de ces émissions proviennent de l’exploitation des bâtiments (chauffage, climatisation, usage des énergies fossiles), tandis qu’un tiers est imputable aux chaînes de valeur de la construction : fabrication des matériaux, équipements techniques, transport, mise en œuvre et fin de vie. Ce bilan souligne une responsabilité double : améliorer la performance énergétique du parc bâti, mais aussi réduire l’impact des travaux eux-mêmes.
Une réglementation centrée sur le neuf
Depuis une dizaine d’années, les politiques publiques se sont concentrées sur la construction neuve. La RE2020 (Réglementation Environnementale 2020) constitue une avancée majeure : pour la première fois en France, elle intègre l’empreinte carbone des matériaux dans le calcul réglementaire et fixe à chaque projet un « budget carbone ». Les bénéfices sont clairs :
Amélioration de la qualité des données disponibles.
Prescriptions de matériaux plus sobres (béton bas carbone, bois, biosourcés).
Stimulation de la recherche et développement chez les fabricants.
Cependant, la rénovation échappe encore à cette obligation. Cela crée un angle mort : alors que la France vise la neutralité carbone en 2050, la majorité du parc immobilier existant sera toujours en usage à cette échéance. Sans intégration des émissions liées aux rénovations, une part essentielle de l’effort collectif risque d’être manquée.
Le cadre existant pour la rénovation
Le parc bâti est encadré par plusieurs dispositifs :
RT Existant : définit les exigences minimales lors des travaux de rénovation.
Décret Tertiaire : impose une réduction progressive des consommations énergétiques des bâtiments tertiaires, jusqu’à –60 % en 2050.
DPE (Diagnostic de Performance Énergétique) : outil de classification et d’information, notamment mobilisé dans le cadre des interdictions de location des passoires énergétiques.
Ces dispositifs se concentrent essentiellement sur l’exploitation énergétique. Ils ne prennent que marginalement en compte le carbone incorporé (lié aux matériaux et équipements), pourtant évalué à 60-70 % de l’empreinte totale d’un projet de rénovation. Pour combler ce vide, plusieurs labels ou méthodes volontaires se développent :
BBC Effinergie Rénovation, orienté efficacité énergétique.
BBCA Rénovation, axé sur le carbone.
Outils de comptabilité comme le temps de retour carbone, la méthode NZI 4 Real Estate ou la Méthode QEC.
Label bas carbone Rénovation (expérimental).
Malgré leur pertinence, leur diffusion reste limitée, faute d’obligation réglementaire et de maturité de la filière.
Trois leviers essentiels pour une rénovation bas carbone
Les travaux du Hub des prescripteurs bas carbone (IFPEB) permettent de dégager des leviers majeurs pour réduire l’empreinte carbone des rénovations.
1. Réduire les consommations d’énergie et sortir des énergies fossiles
Les gisements d’économie sont connus : isolation performante, rénovation des systèmes de chauffage, recours aux énergies renouvelables (pompes à chaleur, réseaux de chaleur bas carbone). Les diagnostics énergétiques permettent de prioriser les actions et d’éviter des interventions lourdes à faible rentabilité carbone. La sortie progressive du gaz dans le tertiaire illustre cette dynamique.
2. Conserver et réemployer l’existant
Chaque élément conservé ou réemployé constitue une émission évitée. Les diagnostics ressources, couplés au PEMD (Plan de diagnostic Produits-Équipements-Matériaux-Déchets), permettent d’identifier les gisements de réemploi : faux planchers, luminaires, cloisons, charpentes, équipements techniques. Dans certains projets, jusqu’à 30 % des matériaux peuvent être réemployés ou réutilisés localement, réduisant à la fois le bilan carbone et les coûts de traitement des déchets.
3. Choisir des matériaux neufs bas carbone
Quand le recours au neuf est incontournable, les choix de matériaux sont déterminants. Les lots techniques (CVC, plomberie, électricité) représentent à eux seuls environ 60 % du poids carbone des matériaux en rénovation. Une ACV (Analyse du Cycle de Vie) fine permet d’arbitrer : béton bas carbone, acier recyclé, isolants biosourcés, peintures à faible impact, etc. De plus, la prise en compte de l’impact transport (20 à 40 % du total pour certains matériaux) incite à privilégier les circuits courts.
Un enjeu économique, pas seulement environnemental
Contrairement aux idées reçues, une rénovation bas carbone n’entraîne pas nécessairement un surcoût prohibitif. Plusieurs études montrent qu’en anticipant la démarche dès la conception, les arbitrages coût/carbone/usage peuvent être optimisés à surcoût marginal, voire neutre, par rapport à une rénovation conventionnelle. Les gains viennent :
D’économies d’énergie sur la durée de vie du bâtiment.
De réduction des volumes de déchets et des frais associés.
D’un allongement de la durée d’usage des équipements existants.
De valorisation patrimoniale grâce aux labels.
La perspective 2050 : un parc sous contrainte
La Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) prévoit qu’en 2050, 70 % du parc immobilier national aura été construit avant 2012, c’est-à-dire avant l’entrée en vigueur de la RT2012. Ces bâtiments devront pourtant atteindre des niveaux de performance énergétique ambitieux, proches du neuf actuel. Cela implique un rythme soutenu de rénovations, avec une exigence de sobriété carbone croissante.
Un parc non rénové court un double risque :
Risque de valeur : perte d’attractivité locative, difficulté à vendre.
Risque réglementaire : interdictions progressives de location, obligations de rénovation, sanctions liées au décret tertiaire.
À l’inverse, un parc rénové et certifié gagne en valeur : amélioration du confort d’usage, meilleure image, meilleure liquidité sur le marché. Les labels (BBC, BBCA, HQE Rénovation) deviennent des signaux de qualité pour les investisseurs et utilisateurs.
Conséquences pour la gestion d’actifs
Pour les gestionnaires d’actifs, la rénovation bas carbone n’est pas une option, mais une stratégie de préservation de valeur. Elle permet :
De sécuriser la conformité réglementaire et d’anticiper les évolutions à venir.
D’éviter les actifs échoués dont la mise aux normes serait économiquement irréaliste.
De renforcer l’attractivité locative auprès d’utilisateurs de plus en plus sensibles aux enjeux RSE.
De piloter une stratégie long terme intégrant à la fois le coût financier et le coût carbone, désormais suivi par nombre d’investisseurs institutionnels.
Au travers de sa méthodologie, tbmaestro accompagne les maîtres d’ouvrage et les gestionnaires de patrimoine dans l’évaluation de la valeur de leurs actifs — qu’il s’agisse de valeur d’usage, de valeur financière ou de valeur technique – sur l’ensemble de leur cycle de vie. En intégrant ces différents indicateurs, il devient possible de mettre en perspective les enjeux carbone avec la performance globale du patrimoine, et ainsi de guider les décisions stratégiques. Cette approche permet d’inscrire la sobriété énergétique et la durabilité dans une réflexion plus large sur la valorisation et l’évolution des actifs immobiliers. En savoir plus.
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Créée en 1990, l’Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie (ADEME) résulte de la fusion de trois agences créées à la suite du choc pétrolier de 1973 et de la prise de conscience de la forte dépendance de la France au pétrole.
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Face à l’urgence climatique, les acteurs de ce secteur ont un rôle important à jouer afin d’impacter positivement la transition à venir, et pour cela, nous pouvons dans un premier temps se pencher sur les réglementations et objectifs mis en place en France.