Stations de ski : les défis à relever pour les prochaines saisons

7 Mar, 2023

En région de montagne, les manifestations du dérèglement climatique sont particulièrement visibles. En France, 3 à 4 stations de ski sont obligées de fermer chaque saison par manque de neige. Cette année, avec la multiplication par 10 des coûts de l’énergie, certaines stations françaises ont remis en cause leur ouverture. Hivers après hivers, l’avenir des stations de ski semble désormais incertain…

“Sur les 237 sociétés de remontées du pays, une poignée est confortablement rentable, ­quelques dizaines sont à l’équilibre et toutes les autres dépendent de subventions : le prix de l’électricité est une menace existentielle pour elles.” Guillaume Desmurs, journaliste spécialisé dans l’univers outdoor et montagne.

Stations de sport d’hiver : un modèle en crise

La montagne est le support d’une activité emblématique du tourisme : le ski alpin. 

Ce sport de glisse, auparavant moyen de locomotion réservé aux montagnards, est d’abord réservé à l’élite. Les premières petites stations du XXe siècle, telle que Megève, conservent ainsi leur style architectural montagnard. L’amélioration de l’accessibilité des sites, par les compagnies ferroviaires privées (Paris-Lyon-Méditerranée en 1900), et des pistes, par le téléski en 1930, va contribuer à l’attractivité des stations de sport d’hiver. Dans les années soixante, le Plan Neige a permis la construction ex nihilo des plus grandes stations du monde. Les remontées mécaniques déposent les skieurs au-dessus de 1500 m d’altitude, là où l’enneigement est optimal.

Ces “stations intégrées” ont permis la démocratisation du ski. Ces dernières sont remises en cause après avoir traversé plusieurs crises : économiques, écologiques, sanitaires et maintenant, énergétiques. Mais aujourd’hui, ce sont plus de 200 stations de ski qui font tourner l’activité économique locale (restaurateurs, loueurs de ski, pisteurs, perchistes, moniteurs, guides…) de nombreuses villes et villages français pendant la haute saison d’hiver. Il faut maintenant prendre conscience des limites du modèle pour le rendre plus résilient. 

Les régions de montagne, sentinelles du changement climatique 

Dans les Alpes françaises et les Pyrénées, l’augmentation de la température moyenne annuelle a atteint près de 2°C depuis le début du XXe siècle. Ce réchauffement, amplifié en montagne, se manifeste par une réduction du couvert neigeux (durée, quantité et qualité) avec près d’un mois d’enneigement en moins par rapport aux années 1970. Dans les stations de ski, on observe ainsi un allongement de l’intersaison touristique et un raccourcissement de la saison hivernale.

Ainsi, avec le recul de la cryosphère (glaciers, manteau neigeux, pergélisol), les territoires de montagne font face à de nouveaux risques auxquels ces derniers devront s’adapter. Ci-dessous, la figure synthétise les impacts physiques liés au recul de la cryosphère dans les Alpes et les Pyrénées (Hock et al., 2019). Nous voyons que le GIEC attribue au tourisme et aux infrastructures de montagne un degré de confiance élevé quant aux conséquences négatives du réchauffement sur ces derniers. 

Synthèse des impacts observés du recul de la cryosphère de montagne
(GIEC, 2019)

Les acteurs publics et privés se posent donc de nouvelles questions sur l’avenir et la viabilité du modèle économique des stations de ski : 

  • Quelle sera la part des activités liées à la neige ?
  • Quel sera le prix du maintien de ces activités ? Sur quelles pistes ?
  • Quelles orientations pour les activités touristiques ?
  • Comment aborder les périodes de transition ?

Pour assurer le devenir des stations et maintenir ce poumon économique des territoires, les acteurs du tourisme doivent améliorer leur résilience, c’est-à-dire adapter la gestion des domaines skiable en anticipant les perturbations climatiques afin d’éviter ou de reculer les fermetures des stations de ski dont l’économie et la vie sociale dépendent fortement de l’enneigement naturel et géré (damage, production de neige).

Quelles solutions pour réinventer les stations de ski ?

Face à ce constat, ingénieurs, chercheurs et élus, via un travail interdisciplinaire, développent des modèles et des solutions au service de la stratégie d’adaptation des stations de sport d’hiver au changement climatique. 

1. Prioriser les investissements sur les pistes dont l’enneigement sera fiable

Le manque de fiabilité de l’enneigement naturel perturbe les conditions d’exploitation de tous les domaines skiables, privés comme publics. Développé par un consortium composé de Météo-France, l’Inrae et Dianeige, le modèle CLIMSNOW constitue un premier outil d’adaptation des stations de ski en :

  • Évaluant les évolutions des températures et de l’enneigement (fiabilité, variabilité) en fonction de scénarios climatiques.
  • Quantifiant l’impact des techniques de gestion de la neige (damage, neige de culture).
  • Analysant la capacité des stations à maintenir leur exploitation.
  • Participant aux orientations des stratégies touristiques et d’investissement structurant.

La projection de l’état futur du manteau neigeux permet ainsi de calculer le nombre de jours avec un enneigement suffisant pour la pratique du ski et de vérifier la pertinence des investissements en production de neige de culture ou la viabilité des remontées mécaniques.

2. Utiliser la gouvernance comme levier de la diversification de l’offre touristique 

Avec la loi Montagne de 1985, les communes deviennent responsables de la gestion des remontées mécaniques. La figure ci-dessous présente la répartition des modes de gestion des stations à l’échelle de la France en fonction de leur taille. Il montre que les délégations de service public, via un opérateur privé ou une société d’économie mixte, sont réservées à la gestion des stations générant des volumes d’affaires importants. Les sites de moindre taille, moins attractifs, sont quant à eux pris en charge, en régie, par les acteurs publics, conformément à leur compétence en termes d’aménagement du territoire.

Depuis les années 2000, les politiques publiques d’accompagnement des stations telles que les Contrats de stations moyennes (2000-2006) et les Espaces Valléens (2007-2020) poussent les territoires à élaborer des plans d’actions pluriannuels à l’échelle intercommunale. Incluant, entre autres, la diversification de l’offre touristique, ils conduisent à l’augmentation du nombre d’acteurs sur un périmètre plus vaste aux côtés des “acteurs traditionnels” des sports d’hiver. Il s’agit alors de mettre en place une collaboration entre acteurs publics et privés afin d’aboutir à une vision commune de ce que seront nos futures stations de ski. Procédons maintenant à un état des lieux de la maturité des deux organisations publiques et privées en matière de résilience de leur domaine skiable.

Stations de moyenne montagne : une transition déjà amorcée pour le secteur public

Métabief est une petite station jurassienne, dont le sommet atteint péniblement 1 400 mètres. Depuis de nombreuses années, le constat est le même : diminution des jours skiables, diminution de la rentabilité des infrastructures et augmentation du vieillissement du parc de remontées mécaniques. En effet, en France, plus de 3800 appareils sont considérés comme passablement vieillis et font l’objet d’un rythme de renouvellement insuffisant, surtout dans les stations de moyenne montagne (Berlioz, 2006). Les travaux réalisés sollicitent lourdement la contribution financière répétée des collectivités territoriales. Cette année, la facture va s’alourdir avec l’augmentation du prix de l’électricité. Heureusement, il a été collectivement décidé d’arrêter le ski alpin d’ici 2030-2035, en se donnant 10 ans pour changer de modèle économique. La diversification de l’offre permettra de proposer des activités toute l’année telles que le ski de randonnée, le VTT de descente, le parapente et la luge d’été. Les remontées mécaniques seront rationalisées et le cœur de la station conservé avec ses logements et restaurants. Un exemple de reconversion qui doit faire ses preuves au sein des stations de moyenne montagne.

Stations de haute montagne : prise de conscience en cours pour le secteur privé

Depuis 1950, la compagnie du Mont-Blanc est une des premières sociétés de remontée mécanique française. Dans le cadre de contrat de concession, elle exploite cinq domaines skiables, auparavant indépendants, 1000 km de pistes et des centaines de remontées mécaniques. Moins touchée par le manque d’enneigement, ce sont les risques naturels (pistes menacées par les avalanches, infrastructures déstabilisées par la fonte du permafrost…) et le coût de l’énergie qui poussent la compagnie à adopter une stratégie de résilience. Depuis juin 2014, un observatoire de l’environnement et du paysage a été mis en place. Il permet d’adapter les investissements de la Compagnie, afin de connaître parfaitement les territoires et leurs enjeux afin de réduire les impacts sur la biodiversité. Dans le cadre de sa stratégie énergie et climat, la société est également certifiée ISO 50 001 pour son système de management de l’énergie. Cette stratégie vise à monitorer les consommations d’énergie, électriques pour les remontées mécaniques, de gasoil pour les dameuses et de gaz pour les bâtiments. Cette connaissance précise des consommations permet d’identifier les axes d’amélioration et de prioriser les actions en matière de performance énergétique en s’inscrivant dans l’objectif national de neutralité carbone à horizon 2050.

3. Réduire la consommation énergétique en rationalisant bâtiments et infrastructures 

Si la stratégie de diversification de l’offre fait partie du nouveau modèle économique des stations de ski, cela impliquera une optimisation des usages et des coûts des bâtiments et infrastructures. Cependant, 70% des dépenses consenties lors du cycle de vie des bâtiments le sont durant la phase d’exploitation. Depuis 2009, le coût de l’électricité est passé de 90€/MWh en 2009 à 900€/MWh en 2022, après la crise COVID et le conflit ukrainien. Du Shift Project à tbmaestro, les conseils sont unanimes, il est donc urgent : 

  • D’améliorer l’inventaire de l’immobilier public et de ses consommations.
  • De rationaliser la taille du patrimoine, agir sur les usages et optimiser l’exploitation.
  • De réaliser une programmation d’investissements cohérents, en reprenant l’objectif ambitieux impulsé par le dispositif éco-énergie tertiaire, de réduction de 40% de la consommation énergétique des bâtiments tertiaires d’ici 2030.

Une feuille de route doit donc être mise en place par les acteurs publics et privés afin d’optimiser leurs infrastructures tout en prenant en compte les différents scénarios climatiques du GIEC pour évaluer la pertinence des domaines skiables. En tant que tiers de confiance, tbmaestro peut ainsi vous accompagner dans votre démarche de reconversion de votre site d’altitude.


Mots clés : station de ski, changement climatique, infrastructures, tourisme, adaptation

Date de l’article : 07/03/23

Rédactrice

Sources :

  • DESMURS Guillaume, Une histoire des stations de sport d’hiver, Glénat, 2022.
  • GERARDIN Cécile, L’invention des stations de sport d’hiver, Montagne à la conquête des cimes, Cahiers de sciences et vie, mars-avril 2023. 
  • HUGUES François, De la gouvernance des stations à leur diversification, p.34 à 37, Réinventer les stations de sport d’hiver, Urbanisme, 2018. 
  • MORIN Samuel, Le changement climatique en montagne : impacts, risques et adaptation, Annales des Mines, n°106, p.37 à 41, Cairn, février 2022.
  • BOURDEAU Philippe,Les défis environnementaux et culturels des stations de montagne,2008.
  • HUGUES François, Tourismes en transition – Cycles de conférences, Université de Lausanne, décembre 2022.
  • CARREL François, Défis divers dans les stations de sports d’hive , Libération, 2022.
  • CLIMSNOW : Modèle de projection de l’enneigement
  • ADAMONT: étude prospective sur l’évolution de l’enneigement des stations de ski iséroise 

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