Formule 1 : quel avenir pour les circuits historiques ?

1 Juin, 2022

La saison 2022 de Formule 1 devrait comporter 22 Grands Prix, record absolu pour la discipline reine du sport automobile. Longtemps resté sous la barre des 20 courses par saison, le nombre de week-ends de compétition est aujourd’hui en augmentation avec une tendance à étendre le calendrier chaque année. Il faut dire que les prétendants à l’obtention d’une place ne manquent pas. Mais, à l’heure du virage écologique, comment les circuits historiques vont-ils devoir se réinventer face à la concurrence pour perdurer ?

Une multitude de nouveaux arrivants

Dans les années 2000 à 2010, on a assisté à une tendance d’apparition de nouveaux Grands Prix majoritairement en Asie (Malaisie en 1999, Chine en 2004, Singapour en 2008) avec la construction de nouveaux circuits dans ces mêmes pays. Changement de cap aujourd’hui avec l’arrivée de nouveaux tracés majoritairement dans les pays du Golfe ainsi qu’aux États-Unis. Après Bahreïn en 2004 et Abu Dhabi en 2009, l’Arabie Saoudite et le Qatar ont su tirer profit de la crise sanitaire pour s’insérer dans le calendrier du championnat du monde de Formule 1 en 2021. Les pays du Golfe s’intéressent de plus en plus à la F1, et il en est de même outre Atlantique : après Austin en 2012, Miami en 2022, c’est Las Vegas qui fera son apparition au calendrier dès 2023. La raison est simple : l’organisation d’un Grand Prix de Formule 1 représente, pour tout pays, un moyen fort d’affirmation de son soft power à travers le monde.

En effet, côté Moyen-Orient, plusieurs facteurs facilitants peuvent expliquer la multiplication récente de nouvelles infrastructures. À l’image des stades de football ou même des aéroports internationaux, la construction de circuits de course est plus aisée dans des pays dotés de grands espaces disponibles et où les matières premières principales nécessaires, comme le sable et les hydrocarbures, se trouvent en abondance. Ces pays bénéficient également de coûts du travail réduits avec une main-d’œuvre issue majoritairement de l’immigration (90 % de la main d’œuvre totale du Qatar serait issue de l’immigration selon Amnesty International). Enfin, le contexte politique est d’autant plus favorable à l’apparition de ces infrastructures sportives avec l’appui important des états de la péninsule arabique, qui instrumentalisent le sport en faveur d’une image vitrine de pays à la pointe de la modernité afin de s’assurer un rayonnement international (Sportwashing).

Une concurrence rude qui met à mal les circuits historiques

L’attribution d’un Grand Prix à un promoteur dépend de plusieurs critères qui sont évalués par la Formula One Management (FOM). On peut relever trois de ces critères qui concernent directement les infrastructures. Il s’agit :

  • Du spectacle en course, lié au tracé.
  • De la qualité des infrastructures présentes (paddock, tribunes, centre de presse, hôtels).
  • De l’empreinte carbone, liée à l’organisation.

Sur ces différents points, on remarque que les circuits européens, dits « historiques » n’attirent plus la F1. L’expérience utilisateur et la qualité des services proposés sont perçues comme trop faibles en comparaison avec les prestations offertes par les nouveaux circuits au Moyen-Orient ainsi qu’aux Etats-Unis. Ces nouveaux circuits, qui sortent de terre avec une rapidité déconcertante, sont à la pointe de la technologie et les services offerts à la clientèle sont de très haute qualité. De surcroît, les promoteurs proposent, en plus de la course, un lot d’activités extras sportives qui séduisent les spectateurs qui, aujourd’hui, ne se déplacent plus seulement pour assister au Grand Prix de Formule 1.

Exemple : le Ferrari World, à Abu Dhabi. Un gigantesque parc d’attractions de 8.6 ha construit en même temps que le circuit de Yas Marina et qui attire chaque année plus d’un million de visiteurs. Montant total estimé de la construction du complexe (circuit, parc d’attractions et hôtels environnants) : 1.3 milliard de dollars.

De plus, les nouveaux arrivants s’arment d’outils puissants de gestion d’actifs, leur permettant de maintenir la qualité de leur prestation au plus haut. C’est ce qu’a fait le circuit de Miami, apparu au calendrier en 2022 et qui se situe sur un site très particulier, qui n’est pas dédié uniquement au déroulement d’une course automobile comme pourrait l’être un circuit classique. En effet, le Grand Prix se déroule en zone urbaine, en banlieue de la ville, dans l’environnement direct du HardRock Stadium de Miami, à proximité de plusieurs courts de tennis et d’une salle de concert. Cet environnement entraîne alors une nécessité accrue de réaliser des opérations cycliques de montage et de démontage avant et après chaque Grand Prix pour modifier la configuration de l’espace. Pour assurer le bon déroulement de la construction et le suivi des chantiers de montage et de démontage, le promoteur s’est associé à une société de conseil britannique spécialisée en sport automobile pour utiliser un outil de gestion de la configuration (une thématique de la gestion d’actifs). Les travaux de montage et de démontage sont suivis via un jumeau numérique sur une application : ApexBuild. L’application permet de partir d’une image virtuelle de ce à quoi doit ressembler le site et de venir collecter des données sur ce qui est physiquement assemblé via des codes QR collés sur chaque composant, afin de s’assurer de la bonne réalisation du montage. En comparant la maquette numérique avec ce qui est réellement installé, ApexBuild permet de faire remonter toutes les erreurs. De plus, en créant un historique pour tous les composants, les équipes techniques sont capables de localiser précisément les zones endommagées, de déclencher les interventions de réparation et de suivre rigoureusement les coûts de maintenance.

Quelles solutions les promoteurs européens adoptent-ils pour maintenir leur place dans le calendrier ?

Si ces circuits historiques veulent perdurer face à l’arrivée de colosses extra-européens, il faut qu’ils trouvent des avantages compétitifs et qu’ils haussent la qualité de services rendus aux instances de la Formule 1 ainsi qu’aux spectateurs et téléspectateurs. De plus, tous les circuits doivent respecter des standards très stricts et en constante évolution, qui sont imposés par la Fédération Internationale de l’Automobile (FIA) pour la sécurité des pilotes en piste. C’est pourquoi certains promoteurs se lancent dans des programmes de rénovation majeure de leurs infrastructures.

En matière de rénovation, les promoteurs se concentrent donc majoritairement sur la sécurisation des tracés qui implique de lourds travaux de rénovation (remplacement de glissières de sécurité, clôtures rigides, barrières de protection, modification de virages…). Toutefois, la géométrie du tracé est régulièrement revue pour améliorer les possibilités de dépassements en course. Des opérations de resurfaçage des tarmacs sont menées pour améliorer l’adhérence des voitures. Et enfin, de nouveaux espaces, plus attrayants, sont aménagés dans les bâtiments où se côtoient journalistes et invités VIP. Ces travaux d’amélioration et de rénovation coûtent extrêmement cher, et la plupart des promoteurs n’ont pas assez de ressources pour les assumer. Sans financements externes, il leur est quasiment impossible d’accéder à de tels montants. Aujourd’hui, et pour cette raison, la pression s’accentue du côté de l’Italie. Si le circuit de Monza, connu dans l’histoire comme le temple de la vitesse, ne parvient pas à trouver les fonds nécessaires à sa rénovation, il est très probable que cette étape classique disparaisse du calendrier des prochaines saisons.

Avec de nouveaux arrivants qui proposent des infrastructures modernes et attrayantes, les circuits européens, en manque de financement, ne tiennent pas la comparaison avec leurs infrastructures vieillissantes et peu séduisantes. Ces circuits courent un réel risque de devenir totalement désuets. Aujourd’hui, le maintien de grandes courses classiques historiques européennes est menacé. Les étapes de Monaco et de Spa-Francorchamps (Belgique) n’ont toujours pas acté avec la F1 leur participation au calendrier de 2023. Néanmoins, il faut souligner que certains circuits innovent en matière de développement durable pour tenter de se rapprocher des grandes ambitions du plan de neutralité carbone de la Formule 1 (horizon 2030). L’exemple du circuit Paul Ricard, au Castellet, en France, est intéressant. Les organisateurs ont profité de récentes rénovations du circuit pour mettre en place des systèmes de récupération des eaux de pluie, des ombrières photovoltaïques, créer des espaces naturels et développer tout un programme d’atténuation des émissions par la plantation d’arbres sur toute la zone. Le circuit s’est aussi axé sur la motorisation électrique et hydrogène de sa flotte de véhicules. C’est ainsi que le Paul Ricard a été, en 2021, le premier circuit au monde à atteindre le plus haut niveau d’une certification environnementale mis en place et décernée par la FIA, le dotant d’un avantage majeur, qu’il est pour l’instant le seul à posséder, face à ses concurrents.

Avec des certifications environnementales qui vont probablement devenir de plus en plus incontournables, les circuits historiques ont, via l’approche durable, une véritable occasion de se démarquer face à leurs concurrents.

Dans un environnement intensément concurrencé et avec une problématique forte de maîtrise budgétaire, il est donc nécessaire pour les promoteurs d’avoir une stratégie d’investissements, à long terme, spécifique à leurs bâtiments et infrastructures. Cette stratégie de gestion d’actifs doit se conduire via des analyses multicritères basées sur une fine connaissance de l’état de vétusté du parc d’actifs. À ce titre tbmaestro, à travers la mise en place d’indicateurs de vétusté et la réalisation d’un plan pluriannuel d’investissements (PPI), propose aux gestionnaires, un accompagnement dans la prise de décision et la priorisation de leurs investissements sur un parc de bâtiments et d’infrastructures aussi divers soient-ils.


Mots clefs : Formule 1, Grand Prix, circuit, historiques, infrastructures, soft power, neutralité carbone

Date de l’article : 01/06/2022

Rédacteur : Tanguy Bassac

Sources 

Contrepoints : La Formule 1, nouvelle vitrine de l’Arabie saoudite – 09/12/2021 : https://www.contrepoints.org/2021/12/09/416519-la-formule-1-nouvelle-vitrine-de-larabie-saoudite

Motorsport.com : Comment la F1 peut justifier ses quatre courses au Moyen-Orient – 04/10/2021 : https://fr.motorsport.com/f1/news/comment-legitimer-quatre-courses-moyen-orient/6680760/

Le Figaro : Avec le Grand Prix de Las Vegas en 2023, la Formule 1 poursuit son rêve américain – 31/03/2022 : https://www.lefigaro.fr/sports/formule-1/avec-le-grand-prix-de-las-vegas-en-2023-la-f1-poursuit-son-reve-americain-20220331

FIA.com : Le grand prix de formule 1 reçoit la certification environnementale trois étoiles de la FIA – 12/10/2021 : https://www.fia.com/fr/news/f1r-french-grand-prix-receives-fia-three-star-environmental-certification

Batiactu : Retour de la F1 au Castellet : le circuit s’est refait une beauté – 22/06/2018 : https://www.batiactu.com/edito/retour-f1-au-castellet-circuit-s-est-refait-beaute-53373.php

Nextgen-auto.com : Spa-Francorchamps présente ses modifications pour 2022 : 23/03/2022 : https://motorsport.nextgen-auto.com/fr/formule-1/spa-francorchamps-presente-ses-modifications-pour-2022,169311.html#:~:text=Les%20travaux%2C%20qui%20ont%20co%C3%BBt%C3%A9,ceux%20de%20ces%20derni%C3%A8res%20ann%C3%A9es.

Motorsport.com : How the Miami GP keeps track of giant F1 building blocks – 05/05/2022 : https://www.motorsport.com/f1/news/miami-gp-f1-track-blocks/10284259/

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